Les hauts et les bas des engrais verts dans notre région
Amélie Martin, agronome
Les engrais verts ne sont pas nouveaux, mais on en entend parler de plus en plus ces dernières années. La volonté d’améliorer la santé de nos sols et leur résilience face aux aléas climatiques, la conscientisation à diminuer l’érosion, la tendance à vouloir diminuer l’utilisation de pesticides nous présentent les engrais verts comme une solution facile et parfaite pour atteindre à nos objectifs.
« Parfaite » ? Je crois que oui, mais « Facile », je ne dirais pas ça d’emblée !
L’introduction des engrais verts est une pratique relativement récente dans notre région. Nous constatons déjà que les pratiques (utilisées ou d’implantation) dans l’ouest de la province ne sont pas nécessairement applicables ici. Notre climat plus frais rétrécit la saison de croissance des plantes. Évidemment, l’implantation d’un radis en post récolte du blé à Saint-Hyacinthe le 15 août vs le 15 septembre ici donne une écorne différence sur la biomasse en bout de ligne.
Avec les efforts d’implantation de cette pratique dans les dernières années, quelques constats et conseils peuvent déjà être faits pour nous aider à la réussite de nos efforts et investissements.
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La planification
On ne se fera pas de cachette, la saison de croissance est courte et ça va parfois un peu vite. Si on veut couvrir nos sols au maximum à l’automne, on a plus de chance de réussir si, à la date optimale de semis, les semences sont déjà choisies et livrées, le semoir est en ordre et rien d’autre n’interfère dans la réussite de la pratique (par exemple, il n’y a pas eu un herbicide antigerminatif appliqué en prélevée du maïs déjà avant de semer une culture intercalaire).
Ce que je vous conseille c’est d’y penser durant la saison hivernale :
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Fixer vos objectifs à atteindre avec les engrais verts (gestion de l’érosion, apport de biomasse, d’azote, capter les nutriments des fumiers, structure du sol…)
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Regarder votre plan de culture
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Cibler les cultures et les périodes où il serait possible d’introduire des engrais verts et miser sur celles qui ont le plus de chance de réussir.
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Contactez vos conseillers/représentants pour savoir ce qu’ils peuvent offrir en fonction de vos besoins et faites vos choix de semences (espèces et quantités, selon les superficies)
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Notez votre planification d’implantation d’engrais vert dans votre calendrier et au besoin, mettez-vous des rappels si vous voulez commander vos semences à la dernière minute en fonction de la météo.
2. La date de semis
Plus l'engrais vert est semé tôt, plus sa biomasse sera importante à l'automne. Dès la récolte effectuée dans votre parcelle, implantez votre engrais vert. À l'automne, le climat frais limite la croissance, alors une différence de semis de quelques jours fait une majeure différence dans le développement de la plante.
Figure 1, 2 et 3 : développement du radis "tillage" semé les 11 septembre, 22 août et 18 juillet (La Pocatière)
3. Le semis
Un fertilisant organique appliqué sur un engrais vert sera capté par celui-ci et rendu à la culture suivante. Il est ainsi stocké sous une forme plus stable et assimilable, ce qui évite des pertes dans l’environnement.
Il n’est pas nécessaire d’avoir des équipements ultrasophistiqués pour réussir, cependant les chances de réussite sont toujours optimisées avec un bon contact sol-semences. J’ai constaté de belles réussites avec une application à la volée (de type Delimbe, APV ou petite boîte sur 4-roues) avant un travail de sol ou en même temps. L’idée est de rendre le sol rugueux et de faire un peu de mie pour enterrer la semence. Bien sûr, il faudra de l’humidité pour la germination. En période sèche comme c’est souvent le cas l’été au moment d’introduire un intercalaire dans le maïs, la réussite sera plus sûre avec un semis enfoui dans le sol. Dans cette culture, certains producteurs qui ont modifié des semoirs en enlevant des unités pour réussir un semis à 1 pouce de profondeur obtiennent généralement de bons résultats, mais un APV sur un sarcleur ou une azoteuse donne de bons résultats aussi.
Figure 4 : APV + travaille de sol
(crédit photo : Dany Pelletier, ferme RD Pelletier)
4. Le choix de l’espèce
On a l’embarras du choix sur les variétés et les mélanges déjà faits chez les semenciers. Pour déterminer ses choix, je vous ramène au point 1 : quel est votre objectif ? Fixation de l’azote, biomasse, capter les nutriments, aération du sol ou infiltration de l’eau ?
Pour une première expérience, gardez ça simple ! Une à trois espèces en mélange, c’est parfait.
5. La fertilisation
Un fertilisant organique appliqué sur un engrais vert sera capté par celui-ci et rendu à la culture suivante. Il est ainsi stocké sous une forme plus stable et assimilable, ce qui évite des pertes dans l’environnement. Certaines espèces sont plus gourmandes que d’autres, mais comme une culture principale, si vous souhaitez un bon développement de la culture de couverture, la fertilisation est importante.
Quelques suggestions :
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Après une céréale d’automne, de l’orge, du blé hâtif, implanter une moutarde ou un radis qui viendra bonifier la repousse de battage (Facteurs de réussite : Semer idéalement avant le 5 septembre et fertiliser avant)
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Dans le maïs, introduire du ray-grass (facteurs de réussite : Un bon désherbage, au besoin un antigerminatif pour feuilles larges, un semis autour de 5 feuilles si possible pour laisser permettre un peu de soleil sur le ray-grass pour l’implantation)
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Après la destruction d’une prairie, idéalement au mois d’août, travailler le sol au besoin et semer une céréale annuelle ou toute autre espèce annuelle. Mieux encore, détruire la prairie au printemps suivant si c’est possible.
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Dans le soya, si celui-ci est semé aux 30 pouces, semer à la volée juste avant la perte des feuilles du soya, une céréale qui germera avant la récolte. On gagne ainsi de précieuses journées de croissance pour l’engrais vert.
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Le seigle d’automne peut se semer jusqu’au 25 septembre et pousse encore assez bien avec des températures froides alors si la fenêtre est très petite pour vous permettre de verdir vos sols, c’est probablement votre meilleure option, à conserver pour récolter en fourrages ou en grains à la saison suivante ou à détruire au printemps.
Bref, l’introduction des engrais verts dans une rotation doit sa réussite à une adaptation de vos façons de faire et doit faire partie de la philosophie de votre l’entreprise.
Ça vous intéresse et vous voulez un coup de main ? Parlez-en à votre conseiller en agroenvironnement !