Retour sur la conférence ''La réduction des pesticides, tout en maintenant de bons rendements''
Édith Sénéchal, technicienne en agroenvironnement
Le 5 février 2020, j’ai assisté à une journée de conférence sous le thème : La réduction des pesticides, tout en maintenant de bons rendements. Organisées par l’Organisme des Bassins versants de la Côte-du-Sud, plusieurs présentations ont attiré mon attention. Voici les faits saillants.
Premièrement, des projets sont présentement en cours de réalisation autant dans la région de la Montérégie-Est que dans la région de Chaudière-Appalaches. Ils ont comme objectif de réduire l’indice de risque pour la santé (IRS) et pour l’environnement (IRE) de 25 %, en plus d’augmenter les superficies sous lutte intégrée. M. Yvan Faucher agronome au MAPAQ en Montérégie est venu nous présenter les résultats préliminaires. On note une réduction de 17 % de l’IRS et de l’IRE, tout en conservant un rendement équivalent des cultures. Il était important de ne pas compromettre la rentabilité des entreprises malgré une réduction de l’utilisation des pesticides. Des études sur la gestion des pesticides (EGP) ont été réalisées pour chacune des 126 entreprises participantes (27 750 ha). Les principales actions mises de l’avant par les producteurs pour réduire les indices de risques sont :
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Le dépistage des ennemis de culture
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Cibler les pesticides les plus à risques pour la santé et l’environnement
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La rotation des groupes de pesticides
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L’amélioration de l’usage des équipements de protection individuelle (EPI)
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Calibration du pulvérisateur
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Le désherbage mécanique
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L’implantation de céréales d’automne, introduction des céréales intercalaires
Ces projets représentent une opportunité de repenser la phytoprotection avec les agriculteurs. Un projet d’analyse économique en lien avec ce projet est présentement en cours par l’équipe de l’IRDA. Il sera intéressant de suivre les résultats.
Ensuite, M. Paul Caplette, copropriétaire de l’entreprise Céréales Bellevue inc., nous a présenté sa méthode de travail qui lui permet d’être plus rusé que les pesticides. Visionnaire, il travaille avec des cultures en rotation (maïs grain, céréales, soya, pois verts de conserverie, haricots secs, pois fourragés et prairie) qui lui permettent de varier les espacements et la couverture du sol. Durant l’hiver, 65 % de ses superficies ont un couvert végétal vivant, tandis que 25 % ont un couvert de résidus. La biodiversité est un élément important pour l’entreprise autant dans la composition de ses bandes riveraines, que dans les champs. Depuis longtemps, il utilise la lutte intégrée à la ferme. Il effectue un bon dépistage et élabore une stratégie de traitement en évaluant avec soin le risque potentiel de perte de rendement. La tenue d’un registre complet des pesticides est essentielle au bon fonctionnement de la démarche. Afin d’atteindre ses objectifs de réduction des indices de risques (IRS+IRE), il désire augmenter la surface traitée en bande seulement, implanter des intercalaires agressifs pour compétitionner les mauvaises herbes, réduire les insecticides et les fongicides sur les semences en effectuant des essais à la ferme. D’ailleurs, en 2020, l’entreprise n’utilisera pas d’insecticide avec les semences. Elle travaille sur ce projet depuis 2012. M. Caplette possède une stratégie phytosanitaire en constante évolution et il souhaite nourrir sainement le plus de gens possible au meilleur coût (environnement, consommateur, agriculteur).
Par la suite, madame Geneviève Labrie, Ph. D. du Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel est venue nous dresser un portrait de l’état du traitement des semences. Les insecticides systémiques voyagent dans la plante par le phloème et le xylème. Il se lie fortement avec l’eau pour bouger dans la plante. On peut retrouver de l’insecticide dans le nectar et le pollen des plantes. On retrouve des insecticides dans le sol, dans les cours d’eau, dans les cultures. On note 3 explications pour la dérive des pesticides sur les semences traitées.
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Abrasion par le talc ajouté comme lubrifiant
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Abrasion durant la manutention, distribution et semis
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Poussières de sol durant les semis qui entrent dans la prise d’air du semoir
Le dépistage des insectes du sol au Québec est de plus en plus important. On compte près de 900 sites de dépistage de 2011 à 2019. Des recherches sont présentement en cours afin d’en savoir plus sur le cycle de vie du vers fil-de-fer (VFF) Hypnoidus abbreviatus. C’est l’espèce que l’on retrouve le plus souvent lors des dépistages. C’est un petit vers qui ne fera pas plus que 12 mm au dernier stade larvaire (donc, ils feront que de petits dommages). Les adultes ne volent pas, ce qui indique que les populations ne peuvent pas s’étendre d’un champ à l’autre. Les recherches démontrent que pour observer des pertes de rendement, on doit avoir entre 10 et 30 % de plantules endommagées. Le seuil établi au Québec est de 3 VFF/piège ce qui représente 5 % des plantules endommagées. En 2019, le seuil a été atteint dans 8 % des sites suivis.
On a tendance à utiliser un pesticide pour éviter une perte économique liée à un ravageur ou à une maladie. Cependant, certaines recherches démontrent une efficacité moyenne de 37 jours dans le plant de maïs (alors que l’étiquette indique 45-60 jours.) Une revue de littérature de 194 études (12 années – 14 états aux États-Unis) démontre 0.04 à 0,06 tonne métrique/ha de différence entre le soya traité et non traité, ce qui n’est pas une augmentation de rendement significative. L’espacement entre les rangs et le taux de semis ont un effet plus significatif sur le rendement que les traitements de semences. Les essais réalisés au Québec démontrent la même chose : pas de différence de rendement entre les semences traitées et non traitées.
Fait important à noter : les nouveaux traitements de semences présents sur le marché présentent quand même un certain danger pour les poissons et les abeilles.
Source : Geneviève Labrie Ph.D
Avant d’utiliser systématiquement les traitements insecticides de semences, posez-vous la question : est-ce que j’en ai vraiment besoin ? La pression des ravageurs est assez faible au Québec. Je vous rappelle qu’il existe des outils de dépistage afin de valider si vos parcelles sont à risques. Les rotations de culture et l’implantation de cultures de couverture sont des méthodes alternatives pour lutter contre la présence de ces ravageurs. On doit continuer d’être à l’affût des nouvelles méthodes de lutte. La contamination des cours d’eau par le traitement de semence insecticide n’est pas à prendre à la légère.
Vous désirez connaître votre indice de risque pour la santé et pour l’environnement pour votre entreprise ? Vous aimeriez qu’on valide si vos parcelles sont à risque ? Vous désirez faire des essais à la ferme pour éliminer les traitements de semences insecticides/fongicides ? Parlez-en à votre conseiller en agroenvironnement !